Dans moins d’une semaine, l’emménagement tant désiré va arriver. C’est un grand évènement pour nous tous. Tout le monde a un certain nombre d’appréhensions, de craintes, de doutes à l’approche de ce jour fatidique. Chacun pourrait vous en faire une liste et ça concerne de multiples sujets différents.

Sur ma liste, il n’y aurait qu’une seule chose : Ma jalousie.

On pourrait croire que j’ai pas mal de chance. Je n’ai pas de craintes pour le quotidien. Pas d’appréhensions particulières sur notre vie ensemble. Je n’ai qu’une seule chose à gérer, mais finalement pas des moindres. A la suite de diverses discussions, il s’avère que je suis la personne dont la jalousie est le problème le plus critique et qui semble le plus insurmontable.

En parlant avec Julia, elle m’avait demandé si j’étais jaloux des moments qu’elle passait en amoureux avec Nicolas. Je lui ai répondu que non. Ses attentions, ses mots d’amour, ses câlins ne me posent aucun problème. Je n’ai pas de soucis non plus avec Nicolas. Je ne le vois pas comme quelqu’un qui me « vole » du temps que je pourrais passer avec Julia. Les sentiments amoureux qu’elle lui porte ne sont pas non plus une source de tourments.

Dans le billet « De l’air, de l’air… », Léolu a laissé un commentaire en différenciant deux types de jalousie : « la jalousie possessive externe (ce dont profite un autre) et la jalousie possessive interne (j’ai, mais j’ai peur de perdre) ». Je ne me reconnais dans aucun des deux cas. Que Nicolas ait envie de Julia, je trouve ça plutôt normal. Moi-même j’ai du désir pour elle et je sais que je ne suis pas le seul. Ils s’aiment et ils partagent leur vie depuis bien plus longtemps que moi. Pour autant, je n’ai pas peur de perdre Julia. Je sais qu’elle m’aime et je n’ai pas de doute à ce sujet ou sur sa sincérité.

Ma jalousie se concentre sur un unique aspect de leur relation : Le désir qu’elle peut avoir pour quelqu’un d’autre. Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais été confronté à cela en direct. Cela s’est toujours résumé à des moments où lors de discussions j’ai su que Julia et Nicolas allaient ou avaient fait l’amour. Lors de ces épisodes, mon coeur s’emballe, ma gorge se serre, mes membres tremblent et j’ai la sensation que tous mes organes se contractent et se nouent comme un noeud de cordage en chanvre mouillé. C’est imagé mais c’est vraiment l’impression que ça donne. Pour les personnes qui ont fait l’expérience d’avoir été trompées par leur partenaire, elles doivent avoir une petite idée de ce que l’on ressent physiquement. Cela se traduit par une période de dépression puis par une autre de colère.

C’est environ depuis le début de l’année que c’est comme ça et que ça ne passe pas.

La première chose que je me suis demandé, c’était pourquoi ça me faisait ça avec Julia et pas avec Charlotte. Alors certes, au départ de notre relation à quatre j’avais un peu de mal concernant les rapports sexuels entre Charlotte et Nicolas mais c’est passé avec le temps. Quoi qu’il en soit, ça n’avait rien de comparable. C’était plus du malaise que quelque chose qui prend au tripes et donne la nausée. En me confiant sur le sujet, j’ai appris que Julia, Charlotte et Mélanie (une amie qui était dans une situation similaire) avaient le même problème. Il y a une jalousie puissante quand il s’agit du nouveau partenaire alors qu’elle est inexistante (ou négligeable à côté) lorsque cela concerne le partenaire habituel. Devant ce fait généralisé, je ne me suis donc pas posé plus de questions touchant à cet écart de jalousie, même si ce constat est intéressant.

J’ai ensuite cherché la cause de cette jalousie. En trouvant d’où elle venait, je me disais qu’il serait plus facile de lutter contre. J’ai cherché, cherché, mais en vain…

Sans en déceler la cause, j’ai trouvée une solution sans le savoir. Il suffisait que je m’éloigne de Julia, que je prenne de la distance, que je devienne moins fusionnel, que je vive ma vie de mon côté et ma jalousie s’estompait. Ma phrase salvatrice que je me répétais dans ma tête pour que ça aille mieux était « fait ce que tu veux, j’en ai rien à foutre ». Bon, c’est une solution qui marche… mais qui est loin de régler le problème (et en apporte d’autres).

Suite à cela, j’ai réfléchi au rapport entre l’intensité de la jalousie et le fait d’être plus ou moins fusionnels. C’est alors que j’ai eu un éclair de lucidité. Et si c’était notre relation de Maître et soumise qui provoquait ou amplifiait ça ? Il y a une notion très importante d’appartenance et de possessivité (possessivité, le mot est lâché) dans ce type de rapport. Pour elle, je suis « son » Maître, à elle, à personne d’autre et il est inconcevable que ça ne soit autrement. Pour moi, c’est la même chose. C’est « ma » soumise. Attention : Pour ceux qui s’y connaissent, il faut différencier les rapports de Maître/soumise qui interviennent uniquement dans un jeu et ceux qui sont inclus et font partie de la relation en elle-même.

Viennent alors se confronter deux univers qui s’opposent complètement. D’un côté, il y a la relation polyamoureuse dont la base est la liberté de chacun de vivre plusieurs amours. De l’autre, il y a la relation Maître/soumise dont la base est (entre autres) la possessivité et le contrôle de l’un sur l’autre de manière consensuelle. Comment conjuguer des choses qui semblent conceptuellement incompatibles et antinomiques ? Est-ce ce besoin de possession qui fait que je suis particulièrement jaloux ? Est-ce qu’au fond ça n’a rien à voir ? Est-ce que je dois abandonner ce rapport Maître/soumise pour vivre cette relation polyamoureuse de manière plus sereine et détachée ? Est-ce que je vais m’y faire comme ça a été le cas avec Charlotte ?

J’ai retourné ces questions dans tous les sens sans trouver de réponse. Là seule chose dont je suis certain, c’est que quand j’imagine Julia avoir du désir, faire l’amour avec Nicolas, je me sens mal et je souffre.

Bientôt, je ne serai plus confronté uniquement à des récits concernant les rapports entre eux. C’est inéluctable. Je compte les jours, je compte les heures. Je vais le vivre en direct et de manière plus concrète que jamais. Je vais savoir quand ils vont faire l’amour, les entendre, peut être même voir Julia revenir nue, décoiffée, comblée de ce moment  intime qu’ils auront vécu tous les deux. Même si ils sont discrets, même si je n’en suis pas directement témoin parce qu’ils le feront quand je ne suis pas là, je le saurais, je m’en douterais. Ce n’est pas quelque chose qui se cache. Comment je vais réagir ? De ce que j’imagine, très mal.